Cécile L’Hopital – Responsable RSE – AXIONE

Aujourd’hui, le numérique représente 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (2,5% des émissions de la France). Selon une étude menée par L’ADEME[1] et l’Arcep[2], l’empreinte carbone du numérique en France pourrait tripler, voir quintupler d’ici 2050 ! [3].  

Les entreprises doivent agir comme un réel vecteur pour inverser cette tendance. Ces enjeux environnementaux sont un défi à la fois pour les pouvoirs publics et le secteur privé. Les grandes entreprises ont notamment un rôle à jouer, en montrant l’exemple, pour entrainer la filière des télécommunications vers un numérique plus responsable.

Le numérique responsable : un chemin à ouvrir par les grandes entreprises des télécoms.

L’enjeu pour le secteur des télécoms est de permettre aux activités numériques de se développer au quotidien tout en limitant leurs empreintes environnementales.

Les petites structures de ce secteur, qui fournissent un travail de qualité, n’ont pas forcément beaucoup de moyens pour mettre en place des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, bien qu’elles souhaitent contribuer à cet effort, elles sont souvent contraintes de faire face à de plus grandes difficultés, par manque de moyens et de ressources qualifiés, pour se saisir pleinement des problématiques. Les fondamentaux de la production et de la réussite de toutes activités, que sont la qualité et la responsabilité, sont le socle de l’ambition d’un numérique plus responsable. Dans ce contexte, les entreprises les plus avancées se doivent de les aider et les accompagner méthodologiquement et financièrement.

Peu importe la taille et la maturité, il est du devoir de chacun des acteurs de cet écosystème d’entrer dans une démarche responsable, tout en embarquant l’intégralité des parties prenantes, y compris les structures ayant peu de ressources disponibles pour intégrer cette dynamique.

La décarbonation : une approche globale et systématique à adopter.

Les opérateurs d’infrastructures ont leur rôle à jouer dans ce changement de paradigme que ce secteur d’activité doit opérer. Ils se doivent, à leur niveau, de trouver des solutions pour limiter l’empreinte de leurs activités. 

Aujourd’hui, 45% des émissions de gaz à effet de serre des réseaux de télécommunications français sont dues à leur fabrication et mise en place, 55% sont dus à leur utilisation. Cette répartition d’impacts climatiques nous force à adopter une approche globale de ces sujets, agissant tant sur la mise en place de ces infrastructures, que leur usage.

En premier lieu, il s’agit d’écoconcevoir les réseaux de demain, notamment en sélectionnant des processus et méthodes de conception innovants et moins impactant, par exemples en optimisant les déplacements du personnel et des matériels de chantier utilisés (engins de levage, machines et équipements de chantier,…). 

Dans l’objectif de réduire l’impact environnemental, de façon plus large que celles des émissions de gaz à effet de serre, la mutualisation des infrastructures télécom est également à étudier. Une solution permettant l’utilisation d’une antenne unique reliée à tous les opérateurs impliquera non seulement une économie de matières premières, mais aussi une baisse naturelle de la consommation énergétique.

Il est urgent, à plusieurs titres, que les infrastructures réseaux soient repensées pour :

  • Y inclure des matériaux moins carbonés, tel que le béton bas carbone dont l’utilisation devient de plus en plus fréquente ;
  • Optimiser l’énergie qu’ils utilisent en recherchant des solutions permettant une baisse des consommations ou des alternatives de génération autonome d’électricité (photovoltaïque ou éolien) ;
  • Allonger leur durée de vie, ce qui limite l’extraction de nouvelles matières premières.

Ce sont des chantiers capitaux, d’un point de vue non seulement écologique et économique, mais de résilience face aux aléas climatiques ou géopolitiques.

Il est nécessaire de réfléchir également au stockage des données transportées. L’installation de datas centers locaux, dans le but de créer des infrastructures territoriales et de mutualiser les équipements publics, permettra d’assurer un hébergement de données au plus proche des besoins. Rapprocher émetteur et récepteur réduit la distance parcourue par les données, limitant significativement leurs empreintes sur l’environnement. C’est aussi garantir aux utilisateurs une souveraineté accrue sur leurs activités et leurs données.

La data est partout et son usage s’est démultiplié : notre société dans son ensemble en est devenue dépendante. Cette dépendance à la donnée, impose aux opérateurs d’infrastructures la mise en place de solutions devenues nécessités, tant sur le plan environnemental que sur le plan financier.

Les impacts du numérique se disputent à ses propres bénéfices, qu’ils soient économiques, sociaux ou climatiques. 

L’innovation est clé pour limiter l’impact carbone des réseaux de télécommunications. Expérimenter est essentiel pour proposer des solutions concrètes et faire évoluer ce secteur dans son intégralité : conception et installation des réseaux, entretien des infrastructures, transport, réception et stockage des données, sont essentiels pour un numérique responsable.

De nouvelles initiatives collaboratives pour la décarbonation voient le jour

Comme vu précédemment, les entreprises du numérique qui en ont les moyens doivent embarquer tous les acteurs de leur chaine de valeur dans une démarche de décarbonation devenue aujourd’hui indispensable. Des initiatives privées ou publiques émergent pour porter ces sujets.

L’Alliance Pacte PME[4] pour la décarbonation de l’économie signée en juillet dernier (dans le cadre du Loi industrie verte) est un exemple de collaboration, dont l’intégralité de ce secteur pourra tirer des bénéfices. Cette Alliance vise à donner accès aux ressources nécessaires (financières, expertises, humaines, outils…) auprès des structures les plus petites pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Elle encourage le partenariat entre les petites entreprises, les 7 grands comptes membres de l’Alliance et l’Etat. Comme l’a rappelé la ministre Olivia Grégoire lors du lancement de l’Alliance Pacte PME, « On a toujours besoin d’un plus petit que soi ». Il est crucial que ces entreprises, si importantes pour notre système socio-économique, ne soient pas laissées sur le bas-côté de la transition écologique !

Il existe d’autres types d’initiatives, telles celles portées par InfraNum (Fédération fondatrice du comité stratégique de filière des infrastructures numériques), qui est à l’origine d’une mission pour l’environnement et le numérique. Cette mission a pour objectifs de recueillir les bonnes pratiques de la filière des télécoms, d’établir un guide de recommandations sur les référentiels environnementaux existants, et de proposer des leviers d’action pour la décarbonation des autres secteurs.

Parallèlement, le comité stratégique de filière « Infrastructures Numériques » apporte un soutien financier aux PME – TPE pour qu’elles puissent se lancer dans ce type d’initiative de décarbonation. Cet organisme réunit les entreprises, les fédérations professionnelles, l’Etat et les collectivités pour travailler en étroite collaboration sur les enjeux de demain du secteur, dont la réduction de l’empreinte écologique et la décarbonation des processus de production.

Toutes les démarches de décarbonation des entreprises, quelles qu’en soient la taille et la nature (privées/publiques), sont indispensables pour tendre vers un numérique plus responsable. L’urgence climatique pousse à l’action sans plus attendre !


[1] Agence de la transition écologique https://www.ademe.fr/

[2] Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse https://www.arcep.fr/

[3] Etude Ademe – Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique en 2020, 2030 et 2050, mars 2023 https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/5226-evaluation-de-l-impact-environnemental-du-numerique-en-france-et-analyse-prospective.html

[4] Pacte PME est une association réunissant des grandes entreprises, des collectivités, des ETI et des PME autour d’une mission commune : faire grandir les PME françaises https://pactepme.org/